GRIMM BRÜDER

Title:LE PAUVRE MEUNIER ET LA PETITE CHATTE
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Subject:GERMAN FICTION
Speaker:LECLERC ANNE
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Jacob et Wilhelm GRIMM

LE PAUVRE MEUNIER ET LA PETITE CHATTE



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Dans un moulin vivait un vieux meunier qui n'avait ni femme ni enfant. Trois
apprentis étaient à son service. Quand ils eurent travaillé pendant quelques
années chez lui, il leur dit un jour :
- Je suis vieux et je veux rester au coin du feu. Partez par le monde ! Celui de
vous qui me ramènera le meilleur cheval héritera de mon moulin et me soignera
jusqu'à ma mort.
Le troisième des garçons était un simple valet. Les deux autres le tenaient pour
un demeuré et ne voulaient pas qu'il héritât du moulin. Lui-même, d'ailleurs,
n'en avait aucune envie.
Ils partirent donc tous les trois et, à la sortie du village, les deux autres
dirent à Jeannot-le-Simple:
- Tu n'as qu'à rester ici ; de toute façon, jamais de ta vie tu ne trouveras un
cheval.
Jeannot, cependant, les accompagna. À la nuit tombante, ils arrivèrent à une
caverne ; ils s'y installèrent pour dormir. Les deux qui se croyaient malins
attendirent que Jeannot fût plongé dans le sommeil ; puis ils partirent en le
laissant tout seul. Ils s'imaginaient avoir été très adroits.
Quand le soleil se leva et qu'à son réveil Jeannot s'aperçut qu'il était couché
dans une profonde grotte, il s'écria :
- Ah ! mon Dieu, où suis-je ? Il se leva, sortit de la caverne, entra dans la
forêt et songea :
« Je suis ici seul et abandonné. Comment pourrais-je trouver un cheval ? »
Pendant qu'il réfléchissait ainsi tout en marchant, il rencontra une petite
chatte à la fourrure bigarrée qui lui dit, pleine d'amitié :
- Où vas-tu, Jeannot ?
- Qu'importe ! tu ne peux de toute façon me venir en aide.
- Je sais fort bien ce que tu veux, dit le chaton. Tu veux un beau cheval. Viens
avec moi et sois sept années durant mon fidèle serviteur. Je te donnerai alors
un cheval plus beau que tu n'en as jamais vu.
« Voilà une chatte miraculeuse ! se dit Jeannot. Il faut que je voie si ce
qu'elle dit est vrai. »
Le chaton l'emmena dans un château enchanté où il n'y avait que des chats à son
service. Ils couraient de haut en bas dans l'escalier, joyeux et de parfaite
humeur. Le soir, quand leur maîtresse se mit à table, trois d'entre eux jouèrent
de la musique : l'un frottait la contrebasse, le deuxième le violon et le
troisième soufflait dans une trompette en gonflant ses joues autant qu'il le
pouvait. Quand le repas fut terminé, on débarrassa la table et le chaton dit à
Jeannot :
- Et maintenant danse avec moi !
- Non, répondit-il, je ne danse pas avec une chatte, je n'ai jamais fait cela.
- Alors, conduisez-le au lit, dit le chaton à ses serviteurs chats.
L'un d'eux le mena à la chambre à coucher, un autre lui retira ses chaussures,
un troisième ses bas et un quatrième, finalement, éteignit la lumière.
Le lendemain matin, ils revinrent auprès de lui et l'aidèrent à sortir du lit ;
le premier lui remit ses bas, le deuxième noua ses jarretières, le troisième
alla chercher ses chaussures, le quatrième le fit se lever et le dernier lui
débarbouilla le visage avec sa queue.
- Ça fait vraiment du bien, dit Jeannot.
Quant à lui, il devait servir sa maîtresse chatte et tous les jours fendre du
bois pour elle. On lui donna une hache, des coins et une scie en argent ; la
cognée était en cuivre. Il coupait donc le bois, restait à la maison, mangeait
et buvait tout son soûl. Il ne voyait personne d'autre que la chatte bigarrée et
ses compagnons. Un jour, celle-ci lui dit :
- Va faucher mon pré et fais les foins.
Elle lui donna une faux en argent et une pierre à aiguiser en or en lui
demandant de les lui rendre quand il aurait fini. Quand il eut terminé son
travail, il ramena la faux, la pierre et le foin à la maison et demanda s'il
recevrait bientôt son salaire.
- Non, dit la chatte, il te reste encore quelque chose à faire. Voici des
planches en argent, une hache de charpentier et des équerres avec tout ce qu'il
faut d'autre. Le tout en argent. Construis-moi une petite maison.
Jeannot construisit la maisonnette. Après quoi il déclara qu'il avait fait tout
ce qu'on lui avait demandé, mais qu'il n'avait toujours pas reçu le cheval. Et
cependant, les sept années s'étaient écoulées aussi vite que s'il se fût agi de
six mois. La petite chatte lui demanda alors s'il voulait voir le cheval.
- Oui, répondit Jeannot.
Elle ouvrit la porte de la maison qu'il avait construite et quand Jeannot y jeta
un coup d'oeil, il aperçut douze chevaux. Ah ! de fiers chevaux ! Leur robe
luisait à vous en réjouir le coeur. La chatte lui donna à boire et à manger et
lui dit :
- Et maintenant rentre chez toi. Je ne te donnerai cependant pas ton cheval
aujourd'hui, mais d'ici trois jours, je te l'amènerai.
Jeannot partit. La chatte lui avait indiqué le chemin du moulin. Elle ne l'avait
cependant pas habillé de neuf et il portait toujours les vieux vêtements avec
lesquels il était venu. En l'espace de sept années, ils étaient devenus trop
courts de partout.
Quand il arriva au moulin, les deux autres garçons meuniers étaient déjà de
retour. Chacun d'eux avait ramené un cheval, mais l'un était aveugle, l'autre
paralytique.
Ils demandèrent :
- Jeannot, où est ton cheval ?
- Il me suit et sera là dans trois jours.
Ils se mirent à rire et dirent :
- Dis donc, Jeannot, d'où te viendrait ce cheval ? Ce doit être une belle bête !
Jeannot se rendit auprès du meunier qui lui interdit de venir à table tout
déchiré et guenilleux qu'il était, car ce serait une honte si jamais quelqu'un
venait. On lui donna un peu à manger, mais dehors et le soir, quand vint l'heure
de se coucher, les deux autres garçons refusèrent de lui donner un lit. Il lui
fallut dormir au poulailler, avec les oies, sur un peu de paille dure.
Le lendemain, quand il s'éveilla, les trois jours étaient écoulés. Arriva un
carrosse tiré par six chevaux. Ah ! leur robe luisait que c'en était un plaisir
! Un laquais en conduisait un septième par derrière. Il était destiné au plus
jeune garçon. Du carrosse descendit une magnifique princesse. C'était elle, la
petite chatte bigarrée que le pauvre Jeannot avait servi sept années durant !
Elle entra au moulin et demanda au meunier où se trouvait le garçon, le dernier
des valets. Le meunier répondit :
- Il ne nous est pas possible de le recevoir à la maison. Il est déguenillé et
couche avec les oies.
La princesse exigea qu'on l'allât chercher. On le fit donc sortir du poulailler
et il lui fallut ramasser les lambeaux de son habit pour s'en couvrir. Le
laquais le lava, lui tendit des vêtements magnifiques, et l'en para. Quand tout
fut terminé, un roi n'eût pas été plus beau. La jeune fille demanda ensuite à
voir les chevaux que les deux autres garçons avaient ramenés : l'un était
aveugle, l'autre paralytique. Elle fit avancer le septième cheval.
Quand le meunier le vit, il dit que jamais encore un aussi bel animal n'était
entré chez lui.
- Il est pour votre troisième garçon meunier, dit la princesse.
- Dans ce cas, c'est lui qui aura le moulin ! répondit le vieux.
La princesse lui dit de garder le cheval et le moulin par-dessus le marché. Elle
emmena son fidèle Jeannot, le fit asseoir dans son carrosse et partit avec lui.
Ils se rendirent tout d'abord dans la petite maisonnette qu'il avait construite
avec des outils d'argent : elle était devenue un grand château et tout ce qu'il
y avait dedans était en or et en argent. Ils se marièrent et Jeannot devint
riche, si riche qu'il eut assez de fortune jusqu'à la fin de ses jours.
C'est pour cela qu'il ne faut jamais dire qu'un simple d'esprit ne peut pas
réussir dans la vie.



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