ANDERSEN HANS CHRISTIAN

Title:LA BERGÈRE ET LE RAMONEUR
This text will be replaced
Subject:OTHER LITERATURES
Speaker:ACHIARY PIERRE
Scarica il testo


Hans Christian ANDERSEN



La Bergère et le Ramoneur


*********




As-tu jamais vu une très vieille armoire de bois noircie par le temps et
sculptée de fioritures et de feuillages? Dans un salon, il y en avait une de
cette espèce, héritée d'une aïeule, ornée de haut en bas de roses, de tulipes et
des plus étranges volutes entremêlées de têtes de cerfs aux grands bois. Au beau
milieu de l'armoire se découpait un homme entier, tout à fait grotesque ; on ne
pouvait vraiment pas dire qu'il riait, il grimaçait; il avait des pattes de
bouc, des cornes sur le front et une longue barbe. Les enfants de la maison
l'appelaient le «sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc » .
Evidemment, peu de gens portent un tel titre et il est assez long à prononcer,
mais il est rare aussi d'être sculpté sur une armoire.
Quoi qu'il en soit, il était là! Il regardait constamment la table placée sous
la glace car sur cette table se tenait une ravissante petite bergère en
porcelaine, portant des souliers d'or, une robe coquettement retroussée par une
rose rouge, un chapeau doré et sa houlette de bergère. Elle était délicieuse!
Tout près d'elle, se tenait un petit ramoneur, noir comme du charbon, lui aussi
en porcelaine. Il était aussi propre et soigné que quiconque ; il représentait
un ramoneur, voilà tout, mais le fabricant de porcelaine aurait aussi bien pu
faire de lui un prince, c'était tout comme.
Il portait tout gentiment son échelle, son visage était rose et blanc comme
celui d'une petite fille, ce qui était une erreur, car pour la vraisemblance il
aurait pu être un peu noir aussi de visage. On l'avait posé à côté de la
bergère, et puisqu'il en était ainsi, ils s'étaient fiancés, ils se convenaient,
jeunes tous les deux, de même porcelaine et également fragiles.
Tout près d'eux et bien plus grand, était assis un vieux Chinois en porcelaine
qui pouvait hocher de la tête. Il disait qu'il était le grand-père de la petite
bergère ; il prétendait même avoir autorité sur elle, c'est pourquoi il
inclinait la tête vers le
« sergentmajorgénéralcommandantenchefauxpiedsdebouc» qui avait demandé la main
de la bergère.
- Tu auras là, dit le vieux Chinois, un mari qu'on croirait presque fait de bois
d'acajou, qui peut te donner un titre ronflant, qui possède toute l'argenterie
de l'armoire, sans compter ce qu'il garde dans des cachettes mystérieuses.
- Je ne veux pas du tout aller dans la sombre armoire, protesta la petite
bergère, je me suis laissé dire qu'il y avait là-dedans onze femmes en
porcelaine!
- Eh bien! tu seras la douzième. Cette nuit, quand la vieille armoire se mettra
à craquer, vous vous marierez, aussi vrai que je suis Chinois. Et il s'endormit.

La petite bergère pleurait, elle regardait le ramoneur de porcelaine, le chéri
de son coeur.
- Je crois, dit-elle, que je vais te demander de partir avec moi dans le vaste
monde. Nous ne pouvons plus rester ici.
- Je veux tout ce que tu veux, répondit-il; partons immédiatement, je pense que
mon métier me permettra de te nourrir.
- Je voudrais déjà que nous soyons sains et saufs au bas de la table, dit-elle,
je ne serai heureuse que quand nous serons partis.
Il la consola de son mieux et lui montra où elle devait poser son petit pied sur
les feuillages sculptés longeant les pieds de la table; son échelle les aida du
reste beaucoup.
Mais quand ils furent sur le parquet et qu'ils levèrent les yeux vers l'armoire,
ils y virent une terrible agitation. Les cerfs avançaient la tête, dressaient
leurs bois et tournaient le ...