GRIMM BRÜDER

Title:LA BELLE AU BOIS DORMANT
Subject:GERMAN FICTION Scarica il testo


Jacob et Wilhelm GRIMM


LA BELLE AU BOIS DORMANT


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Il était une fois un roi et une reine. Chaque jour ils se disaient :
- Ah ! si seulement nous avions un enfant.
Mais d'enfant, point. Un jour que la reine était au bain, une grenouille bondit
hors de l'eau et lui dit:
- Ton voeu sera exaucé. Avant qu'une année ne soit passée, tu mettras une
fillette au monde.
Ce que la grenouille avait prédit arriva. La reine donna le jour à une fille.
Elle était si belle que le roi ne se tenait plus de joie. Il organisa une grande
fête. Il ne se contenta pas d'y inviter ses parents, ses amis et connaissances,
mais aussi des fées afin qu'elles fussent favorables à l'enfant. Il y en avait
treize dans son royaume. Mais, comme il ne possédait que douze assiettes d'or
pour leur servir un repas, l'une d'elles ne fut pas invitée. La fête fut
magnifique. Alors qu'elle touchait à sa fin, les fées offrirent à l'enfant de
fabuleux cadeaux : l'une la vertu, l'autre la beauté, la troisième la richesse
et ainsi de suite, tout ce qui est désirable au monde.
Comme onze des fées venaient d'agir ainsi, la treizième survint tout à coup.
Elle voulait se venger de n'avoir pas été invitée. Sans saluer quiconque, elle
s'écria d'une forte voix :
- La fille du roi, dans sa quinzième année, se piquera à un fuseau et tombera
raide morte.
Puis elle quitta la salle. Tout le monde fut fort effrayé. La douzième des fées,
celle qui n'avait pas encore formé son voeu, s'avança alors. Et comme elle ne
pouvait pas annuler le mauvais sort, mais seulement le rendre moins dangereux,
elle dit :
- Ce ne sera pas une mort véritable, seulement un sommeil de cent années dans
lequel sera plongée la fille du roi.
Le roi, qui aurait bien voulu préserver son enfant adorée du malheur, ordonna
que tous les fuseaux fussent brûlés dans le royaume. Cependant, tous les dons
que lui avaient donnés les fées s'épanouissaient chez la jeune fille. Elle était
si belle, si vertueuse, si gentille et si raisonnable que tous ceux qui la
voyaient l'aimaient.
Il advint que le jour de sa quinzième année, le roi et la reine quittèrent leur
demeure. La jeune fille resta seule au château. Elle s'y promena partout,
visitant les salles et les chambres à sa fantaisie. Finalement, elle entra dans
une vieille tour. Elle escalada l'étroit escalier en colimaçon et parvint à une
petite porte. Dans la serrure, il y avait une clé rouillée. Elle la tourna. La
porte s'ouvrit brusquement. Une vieille femme filant son lin avec application,
était assise dans une petite chambre.
- Bonjour, grand-mère, dit la jeune fille. Que fais-tu là ?
- Je file, dit la vieille en branlant la tête.
- Qu'est-ce donc que cette chose que tu fais bondir si joyeusement, demanda la
jeune fille.
Elle s'empara du fuseau et voulut filer à son tour. À peine l'eut-elle touché
que le mauvais sort s'accomplit : elle se piqua au doigt.
À l'instant même, elle s'affaissa sur un lit qui se trouvait là et tomba dans un
profond sommeil. Et ce sommeil se répandit sur l'ensemble du château. Le roi et
la reine, qui venaient tout juste de revenir et pénétraient dans la grande salle
du palais, s'endormirent. Et avec eux, toute la Cour. Les chevaux s'endormirent
dans leurs écuries, les chiens dans la cour, les pigeons sur le toit, les
mouches contre les murs. Même le feu qui brûlait dans l'âtre s'endormit et le
rôti s'arrêta de rôtir. Le cuisinier, qui était en train de tirer les cheveux du
marmiton parce qu'il avait raté un plat, le lâcha et s'endormit. Et le vent
cessa de souffler. Nulle feuille ne bougea plus sur les arbres devant le
château.
Tout autour du palais, une hale d'épines se mit à pousser, qui chaque jour
devint plus haute et plus touffue. Bientôt, elle cerna complètement le château,
jusqu'à ce qu'on n'en vît plus rien, même pas le drapeau sur le toit.
Dans le pays, la légende de la Belle au Bois Dormant - c'est ainsi que fut
nommée la fille du roi, - se répandait. De temps en temps, des fils de roi
s'approchaient du château et tentaient d'y pénétrer à travers l'épaisse muraille
d'épines. Mais ils n'y parvenaient pas. Les épines se tenaient entre elles,
comme par des mains. Les jeunes princes y restaient accrochés, sans pouvoir se
détacher et mouraient là, d'une mort cruelle.
Au bout de longues, longues années, le fils d'un roi passa par le pays. Un
vieillard lui raconta l'histoire de la haie d'épines. Derrière elle, il devait y
avoir un château dans lequel dormait, depuis cent ans, la merveilleuse fille
d'un roi, appelée la Belle au Bois Dormant. Avec elle, dormaient le roi, la
reine et toute la Cour. Le vieil homme avait aussi appris de son grand-père que
de nombreux princes étaient déjà venus qui avaient tenté de forcer la hale
d'épines ; mais ils y étaient restés accrochés et y étaient morts d'une triste
mort. Le jeune homme dit alors :
- Je n'ai peur de rien, je vais y aller. Je veux voir la Belle au Bois Dormant.
Le bon vieillard voulut l'en empêcher, mais il eut beau faire, le prince ne
l'écouta pas.
Or, les cent années étaient justement écoulées et le jour était venu où la Belle
au Bois Dormant devait se réveiller. Lorsque le fils du roi s'approcha de la
haie d'épines, il vit de magnifiques fleurs qui s'écartaient d'elles-mêmes sur
son passage et lui laissaient le chemin. Derrière lui, elles reformaient une
haie. Dans le château, il vit les chevaux et les chiens de chasse tachetés qui
dormaient. Sur le toit, les pigeons se tenaient la tête sous l'aile. Et
lorsqu'il pénétra dans le palais, il vit les mouches qui dormaient contre les
murs. Le cuisinier, dans la cuisine, avait encore la main levée comme s'il
voulait attraper le marmiton et la bonne était assise devant une poule noire
qu'elle allait plumer. En haut, sur les marches du trône, le roi et la reine
étaient endormis. Le prince poursuivit son chemin et le silence était si profond
qu'il entendait son propre souffle. Enfin, il arriva à la tour et poussa la
porte de la petite chambre où dormait la Belle.
Elle était là, si jolie qu'il ne put en détourner le regard. Il se pencha sur
elle et lui donna un baiser. Alors, la Belle au Bois Dormant s'éveilla, ouvrit
les yeux et le regarda en souriant.
Ils sortirent tous deux et le roi s'éveilla à son tour, et la reine, et toute la
Cour. Et tout le monde se regardait avec de grand yeux. Dans les écuries, les
chevaux se dressaient sur leurs pattes et s'ébrouaient les chiens de chasse
bondirent en remuant la queue. Sur le toit, les pigeons sortirent la tête de
sous leurs ailes, regardèrent autour d'eux et s'envolèrent vers la campagne. Les
mouches, sur les murs, reprirent leur mouvement ; dans la cuisine, le feu
s'alluma, flamba et cuisit le repas. Le rôti se remit à rissoler ; le cuisinier
donna une gifle au marmiton, si fort que celui-ci en cria, et la bonne acheva de
plumer la poule.
Le mariage du prince et de la Belle au Bois Dormant fut célébré avec un faste
exceptionnel. Et ils vécurent heureux jusqu'à leur mort.



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