|
|
GRIMM BRÜDER
Title:LES SIX CYGNES
Subject:GERMAN FICTION
Jacob et Wilhelm GRIMM
LES SIX CYGNES
********
Un jour, un roi chassait dans une grande forêt. Et il y mettait tant de coeur
que personne, parmi ses gens, n'arrivait à le suivre. Quand le soir arriva, il
s'arrêta et regarda autour de lui. Il s'aperçut qu'il avait perdu son chemin. Il
chercha à sortir du bois, mais ne put y parvenir. Il vit alors une vieille femme
au chef branlant qui s'approchait de lui. C'était une sorcière.
- Chère dame , lui dit-il , ne pourriez-vous pas m'indiquer le chemin qui sort
du bois ?
- Oh ! si, monsieur le roi, répondit-elle. je le puis. Mais à une condition. Si
vous ne la remplissez pas, vous ne sortirez jamais de la forêt et vous y mourrez
de faim.
- Quelle est cette condition ? demanda le roi.
- J'ai une fille, dit la vieille, qui est si belle qu'elle n'a pas sa pareille
au monde. Elle mérite de devenir votre femme. Si vous en faites une reine, je
vous montrerai le chemin.
Le roi avait si peur qu'il accepta et la vieille le conduisit vers sa petite
maison où sa fille était assise au coin du feu. Elle accueillit le roi comme si
elle l'avait attendu et il vit qu'elle était vraiment très belle. Malgré tout,
elle ne lui plut pas et ce n'est pas sans une épouvante secrète qu'il la
regardait. Après avoir fait monter la jeune fille auprès de lui sur son cheval,
la vieille lui indiqua le chemin et le roi parvint à son palais où les noces
furent célébrées.
Le roi avait déjà été marié et il avait eu de sa première femme sept enfants,
six garçons et une fille, qu'il aimait plus que tout au monde. Comme il
craignait que leur belle-mère ne les traitât pas bien, il les conduisit dans un
château isolé situé au milieu d'une forêt. Il était si bien caché et le chemin
qui y conduisait était si difficile à découvrir qu'il ne l'aurait pas trouvé
lui-même si une fée ne lui avait offert une pelote de fil aux propriétés
merveilleuses. Lorsqu'il la lançait devant lui, elle se déroulait d'elle-même et
lui montrait le chemin. Le roi allait cependant si souvent auprès de ses chers
enfants que la reine finit par remarquer ses absences. Curieuse, elle voulut
savoir ce qu'il allait faire tout seul dans la forêt. Elle donna beaucoup
d'argent à ses serviteurs. Ils lui révélèrent le secret et lui parlèrent de la
pelote qui savait d'elle-même indiquer le chemin. Elle n'eut de cesse jusqu'à ce
qu'elle eût découvert où le roi serrait la pelote. Elle confectionna alors des
petites chemises de soie blanche et, comme sa mère lui avait appris l'art de la
sorcellerie, elle y jeta un sort. Un jour que le roi était parti à la chasse,
elle s'en fut dans la forêt avec les petites chemises. La pelote lui montrait le
chemin. Les enfants, voyant quelqu'un arriver de loin, crurent que c'était leur
cher père qui venait vers eux et ils coururent pleins de joie à sa rencontre.
Elle jeta sur chacun d'eux l'une des petites chemises et, aussitôt que celles-ci
eurent touché leur corps, ils se transformèrent en cygnes et s'envolèrent
par-dessus la forêt. La reine, très contente, repartit vers son château,
persuadée qu'elle était débarrassée des enfants. Mais la fille n'était pas
partie avec ses frères et ne savait pas ce qu'ils étaient devenus.
Le lendemain, le roi vint rendre visite à ses enfants. Il ne trouva que sa
fille.
- Où sont tes frères ? demanda-t-il.
- Ah ! cher père, répondit-elle, ils sont partis et m'ont laissée toute seule.
Elle lui raconta qu'elle avait vu de sa fenêtre comment ses frères transformés
en cygnes étaient partis en volant au-dessus de la forêt et lui montra les
plumes qu'ils avaient laissé tomber dans la cour. Le roi s'affigea, mais il ne
pensa pas que c'était la reine qui avait commis cette mauvaise action. Et comme
il craignait que sa fille ne lui fût également ravie, il voulut l'emmener avec
lui. Mais elle avait peur de sa belle-mère et pria le roi de la laisser une nuit
encore dans le château de la forêt.
La pauvre jeune fille pensait : « je ne resterai pas longtemps ici, je vais
aller à la recherche de mes frères. » Et lorsque la nuit vint, elle s'enfuit et
s'enfonça tout droit dans la forêt. Elle marcha toute la nuit et encore le jour
suivant jusqu'à ce que la fatigue l'empêchât d'avancer. Elle vit alors une hutte
dans laquelle elle entra ; elle y trouva six petits lits. Mais elle n'osa pas
s'y coucher. Elle se faufila sous l'un deux, s'allongea sur le sol dur et se
prépara au sommeil. Mais, comme le soleil allait se coucher, elle entendit un
bruissement et vit six cygnes entrer par la fenêtre. Ils se posèrent sur le sol,
soufflèrent l'un sur l'autre et toutes leurs plumes s'envolèrent. Leur peau
apparut sous la forme d'une petite chemise. La jeune fille les regarda bien et
reconnut ses frères. Elle se réjouit et sortit de dessous le lit. Ses frères ne
furent pas moins heureux qu'elle lorsqu'ils la virent. Mais leur joie fut de
courte durée.
- Tu ne peux pas rester ici, lui dirent-ils, nous sommes dans une maison de
voleurs. S'ils te trouvent ici quand ils arriveront, ils te tueront.
- Vous ne pouvez donc pas me protéger ? demanda la petite fille.
- Non ! répondirent-ils, car nous ne pouvons quitter notre peau de cygne que
durant un quart d'heure chaque soir et, pendant ce temps, nous reprenons notre
apparence humaine. Mais ensuite, nous redevenons des cygnes.
La petite fille pleura et dit :
- Ne pouvez-vous donc pas être sauvés ?
- Ah, non, répondirent-ils, les conditions en sont trop difficiles. Il faudrait
que pendant six ans tu ne parles ni ne ries et que pendant ce temps tu nous
confectionnes six petites chemises faites de fleurs. Si un seul mot sortait de
ta bouche, toute ta peine aurait été inutile.
Et comme ses frères disaient cela, le quart d'heure s'était écoulé et, redevenus
cygnes, ils s'en allèrent par la fenêtre.
La jeune fille résolut cependant de sauver ses frères, même si cela devait lui
coûter la vie. Elle quitta la hutte, gagna le centre de la forêt, grimpa sur un
arbre et y passa la nuit. Le lendemain, elle rassembla des fleurs et commença à
coudre. Elle n'avait personne à qui parler et n'avait aucune envie de rire. Elle
restait assise où elle était et ne regardait que son travail. Il en était ainsi
depuis longtemps déjà, lorsqu'il advint que le roi du pays chassa dans la forêt
et que ses gens s'approchèrent de l'arbre sur lequel elle se tenait . Ils
l'appelèrent et lui dirent :
- Qui es-tu ?
Elle ne répondit pas.
- Viens, lui dirent-ils, nous ne te ferons aucun mal.
Elle secoua seulement la tête. Comme ils continuaient à la presser de questions,
elle leur lança son collier d'or, espérant les satisfaire. Mais ils n'en
démordaient pas. Elle leur lança alors sa ceinture ; mais cela ne leur suffisait
pas non plus. Puis sa jarretière et, petit à petit, tout ce qu selle avait sur
elle et dont elle pouvait se passer, si bien qu'il ne lui resta que sa petite
chemise. Mais les chasseurs ne s'en contentèrent pas. Ils grimpèrent sur
l'arbre, se saisirent d'elle et la conduisirent au roi. Le roi demanda :
- Qui es-tu ? Que fais-tu sur cet arbre ?
Elle ne répondit pas. Il lui posa des questions dans toutes les langues qu'il
connaissait, mais elle resta muette comme une carpe. Comme elle était très
belle, le roi en fut ému et il s'éprit d'un grand amour pour elle. Il
l'enveloppa de son manteau, la mit devant lui sur son cheval et l'emmena dans
son château. Il lui fit donner de riches vêtements et elle resplendissait de
beauté comme un soleil. Mais il était impossible de lui arracher une parole. A
table, il la plaça à ses côtés et sa modestie comme sa réserve lui plurent si
fort qu'il dit :
- Je veux l'épouser, elle et personne d'autre au monde.
Au bout de quelques jours, il se maria avec elle. Mais le roi avait une mère
méchante, à laquelle ce mariage ne plaisait pas. Elle disait du mal de la jeune
reine. « Qui sait d'où vient cette folle, disait-elle. Elle ne sait pas parler
et ne vaut rien pour un roi. » Au bout ...
|
|
|