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GRIMM BRÜDER
Title:LE POÊLE EN FONTE
Subject:GERMAN FICTION
Jacob et Wilhelm GRIMM
LE POÊLE EN FONTE
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Au temps où l'on pratiquait encore la magie, une vieille sorcière ensorcela un
prince royal et l'obligea à vivre dans un immense poêle en fonte situé en pleine
forêt. Le prince y resta de nombreuses années car personne ne savait le
délivrer. Un jour, une princesse s'égara dans la forêt et ne savait pas comment
retourner chez elle. Elle erra pendant neuf jours entre les arbres touffus et
arriva finalement au poêle en fonte. Elle entendit alors une voix lui demander :
- D'où viens-tu ? Où veux-tu aller ?
- Je me suis égarée et je ne sais pas comment rentrer chez moi.
Et la voix du poêle dit :
- Je t'aiderai et tu pourras vite rentrer chez toi, si tu me promets de faire ce
que je te demanderai. Moi aussi je suis un prince et encore plus noble que toi,
et je voudrais t'épouser.
La fille royale s'affola.
- Mon Dieu, que ferais-je avec un poêle en fonte ? pensa-t-elle, mais souhaitant
par-dessus tout rentrer vite chez elle, elle promit au poêle de faire tout ce
qu'il lui demanderait.
Et la voix dit :
- Tu reviendras ici avec un couteau et tu creuseras un trou dans la fonte.
Et un guide apparut et la reconduisit chez elle, sans prononcer un mot.
Au château, tout le monde se réjouit du retour de la princesse. Le vieux roi se
jeta à son cou et l'embrassa avec effusion. Sa fille fut néanmoins très troublée
et elle dit d'une voix triste :
- Oh, mon cher père, si tu savais ce que j'ai dû endurer ! Je n'aurais jamais
réussi à sortir de cette forêt profonde et épaisse si je n'étais pas arrivée à
un poêle en fonte qui m'a aidée. En revanche, j'ai dû m'engager à revenir auprès
de lui pour le libérer et l'épouser.
Le vieux roi faillit s'évanouir. Il fut effondré d'autant plus qu'il s'agissait
de sa fille unique. Finalement, ils décidèrent d'envoyer dans la forêt la fille
du meunier à la place de la princesse. Ils l'accompagnèrent jusqu'à la lisière
de la forêt, lui donnèrent un couteau et lui demandèrent de creuser un trou dans
le poêle.
Elle creusa sans relâche pendant vingt-quatre heures mais sans aucun effet. À
l'aube on entendit depuis le poêle en fonte :
- Il me semble que le jour s'est levé.
- J'ai la même l'impression, répondit la jeune fille. Je crois entendre tourner
le moulin de mon père.
- Ah, tu es donc la fille du meunier ! Tâche de rentrer d'où tu es venue et
envoie-moi la princesse !
La jeune fille partit et dit au roi que ce n'était pas elle qu'on voulait dans
la forêt, que c'était la princesse qu'on y attendait.
Le vieux roi eut peur et la princesse commença à pleurer. Mais il y avait encore
une autre jeune fille au château, la fille du porcher, et elle était encore plus
belle que la fille du meunier. Ils décidèrent donc de lui donner un peu d'argent
pour qu'elle aille dans la forêt à la place de la princesse. Ils
l'accompagnèrent jusqu'à la forêt puis, pendant vingt-quatre heures, elle creusa
la fonte sans relâche. Mais elle ne réussit à gratter le moindre fragment.
À l'aube, elle entendit la voix du poêle :
- Il me semble que le jour s'est levé.
Et la jeune fille répondit :
- Il me semble aussi, j'ai l'impression d'entendre le cor de mon père.
- Ah, tu es donc la fille du porcher ! Va-t'en tout de suite et envoie-moi la
princesse ! Et dis-lui que si elle ne vient pas, tout se passera comme je l'ai
promis. Le royaume tout entier sera détruit, et il ne restera pas une seule
pierre debout.
La princesse écouta les larmes aux yeux, mais il ne servait à rien de se
lamenter.
Elle fit donc ses adieux à son père, prit un couteau et se dirigea vers le poêle
en fonte au fond de la forêt. Une fois sur place, elle se mit à gratter et la
fonte semblait fondre d'elle-même sous ses mains. Et deux petites heures plus
tard, elle avait déjà réussi à creuser un petit trou. Elle regarda alors dans le
poêle et y vit un beau jeune homme vêtu d'un costume brillant, brodé d'or et
serti de pierres précieuses. Il lui plaisait vraiment et son coeur s'enflamma
pour lui. Elle continua à creuser jusqu'à ce que le trou soit suffisamment large
pour que le prince puisse sortir. Il dit alors :
- Tu m'appartiens et je t'appartiens. Tu es ma fiancée, car tu m'as sauvé.
Et il voulut l'emmener dans son royaume sur-le-champ, mais la princesse souhaita
revoir son vieux père. Le prince ne s'y opposa pas, mais lui demanda de ne pas
dire plus de trois mots à son père et de le rejoindre ensuite sans tarder.
La princesse rentra chez elle - mais elle prononça plus de trois mots. Et le
poêle en fonte disparut, s'envola loin par-dessus les monts en verre et les
épées tranchantes, mais le prince n'était plus à l'intérieur il était libéré.
La princesse fit ses adieux à son père, prit un peu d'argent pour la route et
alla retrouver le prince dans la forêt. Mais elle ne le trouva pas. Elle le
chercha pendant neuf jours, et elle était épuisée et affamée, car elle ne savait
pas comment se nourrir. À la tombée de la nuit, ayant peur des animaux sauvages,
elle grimpa sur un petit arbre pour y passer la nuit. Et vers minuit, elle
aperçut une faible lumière au loin.
« J'y trouverai peut-être de l'aide » se dit-elle.
Elle descendit de l'arbre et partit en direction de la lumière.
Elle arriva à une petite chaumière, vieille et voûtée, toute recouverte
d'herbes.
« Ah, où suis-je arrivée, pauvre de moi ? » soupira la princesse. Elle jeta un
coup d'oeil à l'intérieur, mais elle ne vit que des grenouilles, petites et
grosses. Puis, elle aperçut aussi une belle table garnie, avec du vin et de la
viande rôtie, et des assiettes et des coupes en argent. Elle prit donc son
courage à deux mains et frappa à la porte. Et la grenouille Grassouillette
coassa en réponse :
Dépêche-toi, grenouille verte,
Tellement grosse mais si alerte,
Hop et hop ! Va-t'en découvrir
Qui, notre maison, va accueillir.
Alors, une grenouille arriva en sautant et ouvrit la porte. Et lorsque la
visiteuse la franchit, toutes les grenouilles l'accueillirent très aimablement.
- Que faites-vous ici ? demandèrent-elles. D'où venez-vous et où allez-vous ?
La princesse leur raconta ce que lui était arrivé ; qu'elle n'avait pas tenu sa
promesse et avait prononcé plus de trois mots en parlant avec son père et que le
poêle en fonte avec le prince avaient disparu. Elle leur dit aussi qu'elle était
décidée à chercher le prince par monts et par vaux, jusqu'à ce qu'elle le
retrouve. Et la vieille grenouille Grassouillette dit :
Dépêche-toi, grenouille verte,
Tellement grosse mais si alerte,
Hop et hop ! Va vite chercher,
La grande boîte, bien cachée.
Apporte-la-moi à toute vitesse,
Ne fais pas languir la princesse !
La Grenouillette s'en alla en sautillant et rapporta une grande boite. Puis les
grenouilles donnèrent à la princesse à manger et à boire et la conduisirent
jusqu'à un lit somptueux, qui semblait être fait de soie et de velours. La
princesse se coucha, se recommanda à Dieu et s'endormit.
Au matin, elle se leva de très bonne heure. La vieille grenouille lui donna
trois aiguilles prises dans la grande boîte et souligna que sans elles, elle
n'irait pas loin, puisqu'elle devait franchir une grande montagne en verre,
trois épées tranchantes et un très grand lac. Si elle y parvenait, elle
retrouverait son bien-aimé. Et elle lui recommanda de prendre bien soin des
aiguilles et des deux autres objets qu'elle allait lui donner ; une roue de
charrue et trois noix.
Et la princesse partit avec tous les objets offerts par les grenouilles.
Lorsqu'elle arriva à la montagne en verre, lisse comme un miroir, elle se mit à
enfoncer les aiguilles, à chaque pas, derrière elle et ensuite devant elle,
avançant en procédant ainsi jusqu'à ce qu'elle fût passée de l'autre côté. Puis
elle choisit un endroit pour cacher ses aiguilles et tâcha de bien se le
rappeler. Peu après, elle arriva aux trois épées tranchantes et monta alors sur
la roue de la charrue pour les franchir. Finalement, elle atteignit un grand
lac. Elle le franchit en nageant et arriva enfin devant ...
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