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GRIMM BRÜDER
Title:LA GARDEUSE D'OIES
Subject:GERMAN FICTION
Jacob et Wilhelm GRIMM
LA GARDEUSE D'OIES
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Il était une fois une vieille reine. Son mari était mort depuis longtemps et
elle avait une fille fort jolie. Lorsque celle-ci fut devenue grande, elle fut
promise au fils d'un roi. Quand vint le temps du mariage, et qu'elle fut prête à
partir pour l'étranger, la reine prépara pour elle les objets les plus précieux
: des bijoux, de l'or et de l'argent, des gobelets, des pierres précieuses,
bref, tout ce qui convient à la dot d'une princesse, car elle aimait son enfant
de tout son coeur. Elle la confia à une camériste qui devait voyager avec elle
et la conduire à son fiancé. Un cheval fut remis à chacune des deux femmes.
Celui de la princesse se nommait Falada et savait parler. Lorsque vint l'instant
de la séparation, la reine se rendit dans sa chambre à coucher, y prit un petit
couteau et s'entailla un doigt de façon à en faire jaillir le sang. Elle disposa
un petit chiffon blanc sur lequel tombèrent trois gouttes de sang, le donna à sa
fille et dit :
- Ma chère enfant, garde-le précieusement ; il te sera utile en cours de route.
Elles prirent tristement congé l'une de l'autre. La princesse serra le petit
chiffon sur son sein, se mit en selle et partit rejoindre son fiancé. Après
avoir chevauché pendant une heure, elle ressentit une soif ardente et dit à sa
camériste :
- Descends de cheval et puise avec le gobelet que tu as apporté pour moi de
l'eau de ce ruisseau ; j'ai envie de boire.
- Si vous avez soif, répondit la dame, descendez vous-même, allongez-vous
au-dessus de l'eau et buvez. Je ne suis pas votre servante.
La princesse, qui avait très soif, descendit de cheval, se pencha sur l'eau du
ruisseau et but. On ne lui avait pas permis de boire dans le gobelet d'or.
- Ah ! mon Dieu, émit-elle.
Les trois gouttes de sang lui parlèrent alors :
- Si ta mère savait cela, son coeur éclaterait dans sa poitrine.
Mais la fille du roi était courageuse. Elle ne dit rien et remonta à cheval.
Elles chevauchèrent durant quelques lieues. Mais la journée était chaude et elle
eut bientôt soif à nouveau. Arrivant auprès d'une rivière, elle dit à sa
camériste :
- Descends de cheval et donne-moi à boire dans mon gobelet d'or.
Elle avait oublié depuis longtemps les méchantes paroles de celle qui
l'accompagnait. Mais celle-ci répondit avec plus d'orgueil encore :
- Si vous avez soif, buvez toute seule, je ne suis pas votre servante !
La princesse, qui avait vraiment très soif, descendit de cheval, se pencha sur
l'eau rapide, pleura et dit :
- Ah ! Seigneur !
Comme elle buvait en se penchant sur l'eau, le petit chiffon taché des trois
gouttes de sang échappa de son corsage et partit au gré du courant sans qu'elle
s'en aperçût, tant elle avait peur. La camériste, elle, avait tout vu et elle se
réjouissait d'avoir dorénavant tout pouvoir sur la princesse car, à partir du
moment où celle-ci avait perdu les gouttes de sang, elle était devenue faible et
sans défense. Lorsqu'elle voulut remonter sur son cheval Falada, la dame de
compagnie dit :
- C'est moi qui vais monter Falada et toi tu prendras mon canasson.
Et il fallut bien qu'elle en passât par là. Ensuite, la dame l'obligea à enlever
ses habits royaux et à revêtir ses méchants oripeaux.
Et elle dut jurer devant Dieu qu'elle n'en dirait rien en arrivant à la cour du
roi. Si elle n'y avait point consenti, elle eût été assassinée sur-le-champ.
Mais Falada avait tout observé et tout enregistré.
La camériste enfourcha donc Falada et la princesse monta sur la rosse. Elles
poursuivirent ainsi leur chemin jusqu'au château du roi. On s'y réjouit fort de
leur arrivée et le prince vint à leur rencontre, aida la dame de compagnie à
descendre de cheval croyant qu'elle était sa fiancée. Elle entra au château,
tandis que la vraie princesse devait rester dans la cour. Le vieux roi, qui
regardait par la fenêtre, la remarqua et vit qu'elle était fière et belle. Il se
rendit aussitôt dans l'appartement royal et demanda à la soi-disant fiancée qui
était la jeune fille dans la cour.
- Je l'ai rencontrée en cours de route et l'ai prise avec moi pour ne pas être
seule. Donnez du travail à cette servante pour qu'elle ne reste pas sans rien
faire.
Mais le vieux roi n'avait pas de besogne à lui confier. Alors il dit :
- J'ai là un garçon qui garde les oies, elle n'a qu'à l'aider.
Le garçon se nommait Kurt ; la vraie fiancée dut l'aider à garder les oies.
Peu de temps après, la fausse fiancée dit au jeune roi :
- Cher époux, je vous en prie, faites-moi plaisir.
- Bien volontiers.
- Faites venir l'écorcheur pour qu'il abatte le cheval sur lequel je suis
arrivée. Pendant le voyage, il m'a mise en colère.
En réalité, elle craignait que le cheval ne parlât de sa conduite à l'égard de
la princesse. Quand vint le moment où devait mourir le fidèle Falada, la
véritable fille du roi l'apprit. Elle promit à l'écorcheur, secrètement, de lui
donner une pièce d'argent s'il lui rendait un petit service. Il y avait dans la
ville une porte très grande et pleine d'ombre qu'elle devait franchir matin et
soir avec ses oies. Elle pria l'écorcheur d'y clouer la tête de Falada afin
qu'elle puisse le voir une fois encore. L'homme fit la promesse, emporta la tête
et la cloua sous la sombre porte.
Au petit matin, passant par là avec Kurt, elle dit à la tête :
Ô ! toi, Falada, qui es accroché là... !
La tête répondit :
0 ! toi, ma princesse, qui par là te rends
Si ta mère savait cela
Son coeur volerait en éclats.
Silencieusement, elle sortit de la ville et conduisit ses oies aux champs.
Arrivée dans les prés, elle s'assit et défit ses cheveux. Ils étaient comme d'or
pur et Kurt, en les voyant, se réjouit de les voir étinceler. Il voulut en
arracher quelques-uns. Alors la princesse dit :
Je pleure, je pleure, brise légère !
De Kurt bien vite emporte le bonnet
Et qu'il coure après sa coiffure chère
Jusqu'à ce que de nouveau mes cheveux soient nets.
Le vent souffla alors et emporta le chapeau de Kurt qui partit à sa poursuite.
Quand il revint, elle avait fini de se coiffer et il ne put plus lui prendre de
cheveux. Il en fut fort marri et ne lui adressa plus la parole. Ils gardèrent
ensuite les oies jusqu'au soir, puis rentèrent à la maison.
Le lendemain matin, poussant le troupeau sous la porte, la jeune fille dit :
Ô ! toi, Falada, qui es accroché là...!
La tête de Falada répondit :
Ô ! toi, ma princesse, qui par là te rends
Si ta ni mère savait cela
Son coeur volerait en éclats !
Parvenue hors de la ville, elle s'assit de nouveau dans le pré et commença à
dérouler ses cheveux. Kurt voulut les prendre dans sa main. Elle dit à voix
rapide :
Je pleure, je pleure, brise légère !
De Kurt bien vite prends le bonnet
Et qu'il coure après sa coiffure chère
Jusqu'à ce que de nouveau mes cheveux soient nets.
Le vent souffla, emporta le chapeau et Kurt dut le poursuivre. Quand il revint,
elle avait depuis longtemps arrangé sa coiffure et il ne put y toucher. Et
ainsi, ils gardèrent les oies jusqu'au soir.
Mais, ce soir-là après avoir regagné la maison, Kurt se rendit auprès du vieux
roi et lui dit :
- Je ne veux garder plus longtemps les oies avec cette fille.
- Pourquoi donc ? demanda le roi.
- Eh ! elle me fâche toute la journée.
Le roi lui ordonna de raconter ce qui se passait. Kurt dit :
- Le matin, quand nous faisons passer le troupeau sous la porte sombre, il y a
une tête de cheval contre le mur. Elle lui dit :
Falada, qui es accroché là... !
La tête répond :
ô ! toi ma princesse, qui par là te rends
Si ta mère savait cela
Son coeur volerait en éclats !
Et Kurt raconta aussi ce qui se passait ensuite dans le pré aux oies et comment
il était obligé de courir après son chapeau.
Le vieux roi lui donna ordre d'agir le lendemain comme de coutume et, au matin,
il se tint lui-même sous la porte sombre et entendit comment la jeune fille
parlait à la tête de Falada. Il les suivit ensuite dans les champs et se cacha
dans un buisson. Bientôt, il vit de ses propres yeux comment le garçon et la
gardeuse d'...
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