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ANDERSEN HANS CHRISTIAN
Title:LE CONCOURS DE SAUT
Subject:OTHER LITERATURES
Charles DICKENS
Le spectre de Marley
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Marley était mort, pour commencer. Là-dessus, pas l'ombre d'un doute. Le
registre mortuaire était signé par le ministre, le clerc, l'entrepreneur des
pompes funèbres et celui qui avait mené le deuil. Scrooge l'avait signé, et le
nom de Scrooge était bon à la bourse, quel que fût le papier sur lequel il lui
plut d'apposer sa signature.
Le vieux Marley était aussi mort qu'un clou de porte.
Attention ! je ne veux pas dire que je sache par moi-même ce qu'il y a de
particulièrement mort dans un clou de porte. J'aurais pu, quant à moi, me sentir
porté plutôt à regarder un clou de cercueil comme le morceau de fer le plus mort
qui soit dans le commerce; mais la sagesse de nos ancêtres éclate dans les
similitudes, et mes mains profanes n'iront pas toucher à l'arche sainte;
autrement le pays est perdu. Vous me permettrez donc de répéter avec énergie que
Marley était aussi mort qu'un clou de porte.
Scrooge savait-il qu'il fût mort ? Sans contredits. Comment aurait-il pu en être
autrement? Scrooge et lui étaient associés depuis je ne sais combien d'années.
Scrooge était son seul exécuteur testamentaire, le seul administrateur de son
bien, son seul légataire universel, son unique ami, le seul qui eût suivi son
convoi. Quoiqu'à dire vrai il ne fût pas si terriblement bouleversé par ce
triste événement, qu'il ne se montrât un habile homme d'affaires le jour même
des funérailles et qu'il ne l'eût solennisé par un marché des plus avantageux.
La mention des funérailles de Marley me ramène à mon point de départ. Marley
était mort : ce point est hors de doute, et ceci doit être parfaitement compris;
autrement l'histoire que je vais raconter ne pourrait rien avoir de merveilleux.
Si nous n'étions bien convaincus que le père d'Hamlet est mort, avant que la
pièce commence, il ne serait pas plus étrange de le voir rôder la nuit, par un
vent d'est, sur les remparts de sa ville, que de voir tout autre monsieur d'un
âge mûr se promener mal à propos au milieu des ténèbres, dans un lieu rafraîchi
par la bise, comme serait, par exemple, le cimetière de Saint-Paul, simplement
pour frapper d'étonnement l'esprit faible de son fils.
Scrooge n'effaça jamais le nom du vieux Marley. Il était encore inscrit,
plusieurs années après, au-dessus de la porte du magasin : Scrooge et Marley. La
maison de commerce était connue sous la raison Scrooge et Marley. Quelquefois
des gens peu au courant des affaires l'appelaient Scrooge-Scrooge, quelquefois
Marley tout court; mais il répondait également à l'un et à l'autre nom; pour lui
c'était tout un.
Oh ! il tenait bien le poing fermé sur la meule, le bonhomme Scrooge ! Le vieux
pécheur était un avare qui savait saisir fortement, arracher, tordre, pressurer,
gratter, ne point lâcher surtout ! Dur et tranchant comme une pierre à fusil
dont jamais l'acier n'a fait jaillir une étincelle généreuse, secret, renfermé
en lui-même et solitaire comme une huître. Le froid qui était au dedans de lui
gelait son vieux visage, pinçait son nez pointu, ridait sa joue, rendait sa
démarche raide et ses yeux rouges, bleuissait ses lèvres minces et se
manifestait au dehors par le son aigre de sa voix. Une gelée blanche recouvrait
constamment sa tête, ses sourcils et son menton fin et nerveux. Il portait
toujours et partout avec lui sa température au-dessous de zéro; il glaçait son
bureau aux jours caniculaires et ne le dégelait pas d'un degré à Noël.
La chaleur et le froid extérieurs avaient peu d'influence sur Scrooge. Les
ardeurs de l'été ne pouvaient le réchauffer, et l'hiver le plus rigoureux ne
parvenait pas à le refroidir. Aucun souffle de vent n'était plus âpre que lui.
Jamais neige en tombant n'alla plus droit à son but, jamais pluie battante ne
fut plus inexorable. Le mauvais temps ne savait par où trouver prise sur lui;
les plus fortes averses, la neige, la grêle, les giboulées ne pouvaient se
vanter d'avoir sur lui qu'un avantage : elles tombaient souvent « avec profusion
». Scrooge ne connut jamais ce mot.
Personne ne l'arrêta jamais dans la rue pour lui dire d'un air satisfait : « Mon
cher Scrooge, comment vous portez-vous? Quand viendrez-vous me voir? » Aucun
mendiant n'implorait de lui le plus léger secours, aucun enfant ne lui demandait
l'heure. On ne vit jamais personne, soit homme, soit femme, prier Scrooge, une
seule fois dans toute sa vie, de lui indiquer le chemin de tel ou tel endroit.
Les chiens d'aveugles eux-mêmes semblaient le connaître, et, quand ils le
voyaient venir, ils entraînaient leurs maîtres sous les portes cochères et dans
les ruelles, puis remuaient la queue comme pour dire: « Mon pauvre maître
aveugle, mieux vaut pas d'oeil du tout qu'un mauvais oeil! »
Mais qu'importait à Scrooge. C'était là précisément ce qu'il voulait. Se faire
un chemin solitaire le long des grands chemins de la vie fréquentés par la
foule, en avertissant les passants par un écriteau qu'ils eussent à se tenir à
distance, c'était pour Scrooge du vrai nanan, comme disent les petits gourmands.
Un jour, le meilleur de tous les bons jours de l'année, la veille de Noël, le
vieux Scrooge était assis, fort occupé, dans son comptoir. Il faisait un froid
vif et perçant, le temps était brumeux, Scrooge pouvait entendre les gens aller
et venir dehors, dans la ruelle, soufflant dans leurs doigts, respirant avec
bruit, se frappant la poitrine avec les mains et tapant des pieds sur le
trottoir, pour les réchauffer. Trois heures seulement venaient de sonner aux
horloges de la Cité, et cependant il était déjà presque nuit. Il n'avait pas
fait clair de tout le jour, et les lumières qui paraissaient derrière les
fenêtres des comptoirs voisins ressemblaient à des taches de graisse rougeâtres
qui s'étalaient sur le fond noirâtre d'un air épais et en quelque sorte
palpable. Le brouillard pénétrait dans l'intérieur des maisons par toutes les
fentes et les trous de serrure; au dehors il était si dense, que, quoique la rue
fût des plus étroites, les maisons d'en face ne paraissaient plus que comme des
fantômes. À voir les nuages sombres s'abaisser de plus en plus et répandre sur
tous les objets une obscurité profonde, on aurait pu croire que la nature était
venue s'établir tout près de là pour y exploiter une brasserie montée sur une
vaste échelle.
La porte du comptoir de Scrooge demeurait ouverte, afin qu'il pût avoir l'oeil
sur son commis qui se tenait un peu plus loin, dans une petite cellule triste,
sorte de citerne sombre, occupé à copier des lettres. Scrooge avait un très
petit feu, mais celui du commis était beaucoup plus petit encore : on aurait dit
qu'il n'y avait qu'un seul morceau de charbon. Il ne pouvait l'augmenter, car
Scrooge gardait la botte à charbon dans sa chambre, et, toutes les fois que le
malheureux entrait avec la pelle, son patron ne manquait pas de lui déclarer
qu'il serait forcé de le quitter. C'est pourquoi le commis mettait son cache-nez
blanc et essayait de se réchauffer à la chandelle; mais, comme ce n'était pas un
homme de grande imaginative, ses efforts demeurèrent superflus.
« Je vous souhaite un gai Noël, mon oncle, et que Dieu vous garde! », cria une
voix joyeuse. C'était la voix du neveu de Scrooge, qui était venu le surprendre
si vivement que l'autre n'avait pas eu le temps de le voir.
« Bah ! dit Scrooge, sottise ! »
Il s'était tellement échauffé dans sa marche raide par ce temps de brouillard et
de gelée, le neveu de Scrooge, qu'il en était tout en feu; son visage était
rouge comme une cerise, ses yeux étincelaient, et la vapeur de son haleine était
encore toute fumante.
« Noël, une sottise, mon oncle ! dit le neveu de Scrooge; ce n'est pas là ce que
vous voulez dire, sans doute!
- Si fait, répondit Scrooge. Un gai Noël ! Quel droit avez-vous d'être gai?
Quelle raison auriez-vous de vous livrer à des gaietés ruineuses? Vous êtes déjà
bien assez pauvre!
- Allons, allons ! reprit gaiement le neveu, quel droit avez-vous d'être triste?
Quelle raison avez-vous de vous livrer à vos chiffres moroses? Vous êtes déjà
bien assez riche!
- Bah ! » dit encore Scrooge, qui, pour le moment, n'avait pas une meilleure
réponse prête; et son bah! fut suivi de l'autre mot : sottise!
« Ne soyez pas de mauvaise humeur, mon oncle, riposta le neveu.
- Et ...
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