GRIMM BRÜDER

Title:RUMPELSTILTSKIN
Subject:GERMAN FICTION Scarica il testo


Jacob et Wilhelm GRIMM


RUMPELSTILTSKIN


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Il était une fois un pauvre meunier qui avait une fille d'une grande beauté. Un
roi s'arrêta un jour pour bavarder un peu et le meunier, pour se rendre
intéressant, vanta les qualités de sa fille :
- Ma fille sait filer de l'or avec de la paille.
- Ça alors ! dit le roi, je saurais apprécier un tel talent. Si ta fille est
vraiment aussi habile que tu le dis, amène-la demain au château. Nous la
mettrons à l'épreuve.
Le lendemain, la jeune fille se présenta au château. Le roi la conduisit dans
une pièce où il y avait de la paille jusqu'au plafond. Puis il lui remit une
quenouille et lui désigna un rouet.
- Mets-toi au travail, ordonna-t-il. Si avant l'aube tu n'arrives pas à
transformer cette paille en or, tu n'échapperas pas à la mort.
La pauvre jeune fille s'assit, ne sachant quoi faire. Sa vie était menacée, mais
elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont on pouvait transformer de la
paille en or. Elle avait le coeur serré et, ayant de plus en plus peur, elle se
mit à pleurer.
Soudain, la porte s'ouvrit et un petit lutin entra dans la pièce.
- Bonjour, jeune fille, la salua-t-il. Pourquoi pleures-tu à chaudes larmes ?
- Ah ! soupira la jeune fille, je dois filer de la paille pour en faire de l'or
et je ne sais pas le faire.
- Que me donnerais-tu si je le faisais à ta place ? demanda le petit homme.
- Le collier que je porte au cou, proposa la fille.
Le lutin prit son collier, puis il s'assit au rouet et le fit tourner -
vrrr-vrrr-vrrr -, il tira trois fois et une quenouille fut pleine. Il en mit une
autre et - vrrr-vrrr-vrrr - une deuxième fut remplie. Et ainsi de suite jusqu'au
petit matin. À l'aube, toute la paille était filée et de l'or brillait sur
toutes les bobines.
Le soleil était à peine levé que le roi était déjà là, et il n'en revenait pas.
Seulement, voyant tout cet or, il se frotta les mains, car comme il était très
avare, il en voulait plus encore. Il fit amener la fille du meunier dans une
autre pièce remplie de paille, beaucoup plus grande encore que la précédente, et
il ordonna qu'elle la filât en une nuit si elle voulait avoir la vie sauve.
La jeune fille ne sut quoi faire et se mit à pleurer. Mais la porte s'ouvrit à
nouveau et notre petit homme entra et dit :
- Que me donneras-tu si je transforme cette paille en or ?
- Ma bague, répondit la jeune fille, et elle enleva la bague de son doigt.
Le lutin prit la bague et se mit au travail. Le rouet commença à tourner et il
tourna et tourna, jusqu'à l'aube. Et comme la veille, la paille avait disparu et
le fil d'or brillait sur les bobines.
Le roi fut fou de joie, mais il estima qu'il n'en avait pas assez ; il en
voulait toujours plus, encore et encore. Et il fit donc amener la fille du
meunier dans une troisième pièce, plus grande encore que la précédente et
ordonna :
- Tu fileras cette paille cette nuit. Et si tu réussis, je t'épouserai.
À peine la jeune fille fut-elle seule, que le petit homme se montra pour la
troisième fois et demanda à nouveau :
- Que me donneras-tu cette fois-ci, si je file ta paille ?
- Que pourrais-je te donner ? répondit la jeune fille, je n'ai plus rien.
- Promets-moi donc de me donner ton premier enfant quand tu seras reine.
« Qui sait comment les choses vont se passer ? » se dit la fille du meunier. Et
comme, de toute façon, elle n'avait pas d'autre solution, elle promit au petit
homme ce qu'il souhaitait. Et ce dernier transforma donc, une fois encore, la
paille en or.
À l'aube, ayant tout trouvé comme il l'espérait, le roi fit préparer un grand
banquet de noces et la belle meunière devint reine.
Une année passa et la reine donna naissance à un ravissant petit garçon. Et
soudain, le petit homme, entra dans sa chambre et dit :
- Donne-moi ce que tu m'avais promis.
La reine fut horrifiée. Elle proposa au petit homme toute la richesse du
royaume, pourvu qu'il lui laissât son enfant. Mais le lutin ne voulut rien
savoir.
- Non, non, dit-il, je préfère quelque chose de vivant à tous les trésors.
La reine se mit à pleurer et son chagrin finit par émouvoir le petit homme.
- J'attendrai trois jours, consentit-il, et si, d'ici là, tu as trouvé comment
je m'appelle, tu pourras garder ton enfant.
La reine réfléchit toute la nuit, se rappelant tous les noms qu'elle avait
entendus. Elle dépêcha un messager pour qu'il questionne les gens dans tout le
pays afin qu'elle apprenne tous les noms qui existent.
Lorsque le lendemain matin le lutin arriva, elle cita tous les noms qu'elle
connaissait, mais chaque fois le petit homme hocha la tête :
- Ce n'est pas mon nom. Le lendemain, la reine envoya un émissaire jusque dans
le pays voisin afin de connaître les noms de ce pays. Elle cita ensuite au petit
homme tous ces noms étranges et inhabituels :
- Ne t'appelles-tu pas Moustache-de-souris ? Ou Gigot-d'Agneau ? Ou peut-être
Tranche-de-Boeuf ?
- Ce n'est pas ça, répondit le lutin à chaque fois.
Le troisième jour, le messager de la reine revint du voyage et claironna
d'entrée :
- On ne peut plus trouver d'autres noms, pas un seul. Mais, lorsque je passais
près d'une montagne à l'entrée d'une étrange forêt où les lapins et les renards
se saluent avec courtoisie, j'aperçus une petite maison. Et devant elle, un
drôle de petit homme, un vrai lutin, sautillait à cloche-pied autour d'un feu en
vociférant :
Par temps froid et par temps chaud,
Rumpelstiltskin n'est pas manchot,
Je sais tout faire, même la cuisine,
Et un petit prince j'aurai en prime.
Vous comprenez aisément que la reine se réjouit en apprenant ce nom.
Peu de temps après, le petit homme arriva au château. Et il attaqua d'entrée :
- Alors, ma reine : quel est mon nom ?
- Et si tu t'appelais Rumpelstiltskin ? dit alors la reine.
- Quel diable te l'a soufflé ? Quel diable te l'a soufflé ? brailla le petit
homme.
Et il frappa le sol de son pied droit avec tant d'énergie qu'il s'enfonça tout
entier dans la terre. Puis, fou de rage, il attrapa son pied gauche avec ses
deux mains et - crac ! - il se déchira en deux.



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